La chasse en France est une pratique ancestrale soumise à une réglementation stricte visant à préserver la biodiversité tout en permettant une activité cynégétique durable. La gestion des espèces chassables implique un équilibre délicat entre les intérêts des chasseurs, la protection de la faune sauvage et les enjeux écologiques. Comprendre les quotas, les listes d’espèces autorisées et les périodes de chasse est essentiel pour appréhender la complexité de cette pratique et son impact sur les écosystèmes français.

Réglementation française sur les espèces chassables

La législation française encadre rigoureusement la pratique de la chasse pour assurer une gestion durable des populations animales. Le Code de l’environnement définit les espèces chassables et fixe les règles générales de la chasse. Ces dispositions sont complétées par des arrêtés ministériels et préfectoraux qui précisent les modalités spécifiques à chaque région et espèce.

L’une des pierres angulaires de cette réglementation est l’arrêté du 26 juin 1987, régulièrement amendé, qui établit la liste officielle des espèces de gibier dont la chasse est autorisée sur le territoire français. Cette liste comprend environ 90 espèces, dont une soixantaine d’oiseaux, reflétant la richesse de la biodiversité française et la diversité des pratiques cynégétiques.

La France se distingue par sa diversité biogéographique, avec quatre régions distinctes (atlantique, alpine, continentale et méditerranéenne), ce qui explique en partie le nombre important d’espèces chassables comparé à d’autres pays européens. Cette particularité géographique influence également les périodes de chasse et les quotas établis pour chaque espèce.

Quotas de chasse et gestion cynégétique

La gestion cynégétique moderne repose sur un système de quotas visant à maintenir l’équilibre des populations animales tout en permettant une activité de chasse durable. Ces quotas sont établis en fonction de plusieurs facteurs, notamment l’état des populations, leur dynamique de reproduction et l’impact sur les écosystèmes.

Prélèvement maximal autorisé (PMA) par espèce

Le Prélèvement Maximal Autorisé (PMA) est un outil de gestion essentiel qui fixe le nombre maximum d’animaux qu’un chasseur est autorisé à prélever sur une période donnée. Ce système est particulièrement important pour les espèces sensibles ou dont les populations sont en déclin. Par exemple, pour la bécasse des bois, un PMA national de 30 oiseaux par saison et par chasseur a été instauré, avec des limitations supplémentaires dans certains départements.

Le PMA peut être journalier, hebdomadaire ou saisonnier selon les espèces et les régions. Il est établi sur la base de données scientifiques collectées par les fédérations de chasse et l’Office français de la biodiversité (OFB). Cette approche permet d’ajuster les prélèvements en fonction de l’état réel des populations, assurant ainsi une gestion adaptative des ressources cynégétiques.

Système de bracelets pour le grand gibier

Pour le grand gibier, comme le cerf, le chevreuil ou le sanglier, un système de bracelets numérotés est utilisé. Chaque animal abattu doit être immédiatement muni d’un bracelet avant tout déplacement. Ce dispositif permet un contrôle précis des prélèvements et facilite le suivi des populations. Le nombre de bracelets attribués à chaque territoire de chasse est déterminé en fonction des estimations de population et des objectifs de gestion fixés par les schémas départementaux de gestion cynégétique.

Le système de bracelets constitue un outil de traçabilité indispensable pour une gestion raisonnée du grand gibier, permettant d’ajuster les prélèvements aux capacités d’accueil des milieux naturels.

Carnet de prélèvement universel (CPU)

Le Carnet de Prélèvement Universel (CPU) est un outil de suivi individuel obligatoire pour chaque chasseur. Il permet de recenser avec précision les prélèvements effectués tout au long de la saison de chasse. Les données collectées via le CPU sont essentielles pour évaluer l’impact de la chasse sur les populations animales et ajuster les quotas pour les saisons suivantes.

L’utilisation du CPU s’inscrit dans une démarche de responsabilisation des chasseurs et de transparence de l’activité cynégétique. Ces informations, une fois centralisées et analysées, contribuent à une meilleure compréhension de la dynamique des populations et à l’élaboration de stratégies de gestion plus efficaces.

Gestion adaptative des espèces (GAE)

La Gestion Adaptative des Espèces (GAE) est une approche novatrice qui vise à ajuster les prélèvements en temps réel en fonction de l’état des populations. Cette méthode s’appuie sur des données scientifiques actualisées et permet une réactivité accrue face aux variations démographiques des espèces chassables.

L’application ChassAdapt , développée par la Fédération Nationale des Chasseurs, est un exemple concret de cette approche. Elle permet aux chasseurs de déclarer leurs prélèvements en temps réel et aux gestionnaires d’avoir une vision actualisée de l’état des populations, facilitant ainsi la prise de décisions éclairées en matière de quotas et de périodes de chasse.

Listes des espèces chassables en france

La liste des espèces chassables en France est le résultat d’un équilibre entre tradition cynégétique, conservation de la biodiversité et gestion durable des populations animales. Cette liste est régulièrement mise à jour pour refléter l’évolution des connaissances scientifiques et l’état de conservation des espèces.

Gibier sédentaire : mammifères et oiseaux

Le gibier sédentaire comprend les espèces qui restent sur le territoire français toute l’année. Parmi les mammifères chassables, on trouve notamment :

  • Le cerf élaphe ( Cervus elaphus )
  • Le chevreuil ( Capreolus capreolus )
  • Le sanglier ( Sus scrofa )
  • Le lièvre d’Europe ( Lepus europaeus )
  • Le lapin de garenne ( Oryctolagus cuniculus )

Les oiseaux sédentaires chassables incluent notamment la perdrix rouge ( Alectoris rufa ) et le faisan de Colchide ( Phasianus colchicus ). La gestion de ces espèces nécessite une attention particulière à leur habitat et à leurs cycles de reproduction pour assurer la pérennité des populations.

Gibier migrateur : oiseaux de passage

Les oiseaux migrateurs constituent une part importante des espèces chassables en France. Leur gestion est complexe car elle implique une coordination internationale, ces espèces traversant plusieurs pays au cours de leur migration. Parmi les espèces migratrices chassables, on peut citer :

  • La bécasse des bois ( Scolopax rusticola )
  • Le pigeon ramier ( Columba palumbus )
  • Les grives (genre Turdus )
  • La caille des blés ( Coturnix coturnix )
  • Les canards (genres Anas et Aythya )

La chasse de ces espèces est soumise à des réglementations spécifiques tenant compte de leurs périodes de migration et de nidification. L’application ChassAdapt joue un rôle crucial dans le suivi en temps réel des prélèvements de ces espèces, permettant une gestion plus réactive et adaptée.

Espèces classées nuisibles ou susceptibles d’occasionner des dégâts

Certaines espèces, bien que chassables, sont également classées comme « susceptibles d’occasionner des dégâts » (anciennement appelées « nuisibles »). Leur régulation peut être autorisée en dehors des périodes de chasse traditionnelles pour prévenir les dommages aux activités humaines ou aux écosystèmes. Parmi ces espèces, on trouve notamment :

  • Le renard roux ( Vulpes vulpes )
  • La fouine ( Martes foina )
  • Le ragondin ( Myocastor coypus )
  • La corneille noire ( Corvus corone )
  • Le pigeon ramier dans certaines régions

La gestion de ces espèces requiert une approche équilibrée, prenant en compte à la fois leur rôle écologique et leur impact potentiel sur les activités humaines et les autres espèces.

Périodes de chasse et calendrier cynégétique

Le calendrier cynégétique en France est structuré pour respecter les cycles biologiques des espèces chassables tout en permettant une pratique de la chasse sur une partie significative de l’année. Les dates d’ouverture et de fermeture sont fixées au niveau national, avec des ajustements possibles au niveau départemental pour tenir compte des spécificités locales.

Ouverture générale et fermeture de la chasse

La période d’ouverture générale de la chasse s’étend traditionnellement de septembre à février. Cependant, les dates précises varient selon les départements et les espèces. Par exemple, dans de nombreux départements, l’ouverture générale a lieu le deuxième ou troisième dimanche de septembre, tandis que la fermeture intervient généralement à la fin du mois de février.

Il est important de noter que ces dates peuvent être modulées par arrêté préfectoral pour s’adapter aux conditions locales et à l’état des populations. Certaines espèces, comme le sanglier, peuvent faire l’objet d’une ouverture anticipée dès le 1er juin dans les zones où ils causent des dégâts importants aux cultures.

Dates spécifiques pour le gibier d’eau

La chasse au gibier d’eau, qui concerne principalement les canards et les oies, fait l’objet d’une réglementation particulière. L’ouverture de cette chasse peut être anticipée, généralement au mois d’août, pour certaines espèces et dans des zones spécifiques comme le domaine public maritime. Les dates de fermeture sont également ajustées en fonction des espèces et des zones géographiques, avec une attention particulière portée aux périodes de migration prénuptiale.

Espèce Ouverture Fermeture
Canard colvert 21 août 31 janvier
Oie cendrée 21 août 31 janvier
Bécassine des marais 1er août 31 janvier

Chasse de nuit et à l’affût

La chasse de nuit est strictement réglementée en France et n’est autorisée que dans certains départements, principalement pour le gibier d’eau. Elle se pratique à partir d’installations fixes appelées gabions ou huttes . Cette pratique fait l’objet d’un encadrement spécifique, avec des obligations de déclaration et de suivi des prélèvements.

La chasse à l’affût, quant à elle, est une technique qui consiste à attendre le gibier à un poste fixe. Elle est souvent pratiquée au crépuscule ou à l’aube, notamment pour le grand gibier comme le sanglier ou le cerf. Les périodes et modalités de cette pratique sont définies dans les schémas départementaux de gestion cynégétique.

Périodes de chasse par région cynégétique

La France est divisée en plusieurs régions cynégétiques, chacune présentant des caractéristiques écologiques et des traditions de chasse spécifiques. Cette division permet une gestion plus fine des périodes de chasse, adaptée aux réalités locales. Par exemple, la chasse en montagne peut avoir des dates d’ouverture plus tardives pour certaines espèces comme le chamois ou le mouflon, tenant compte de leur cycle de reproduction et des conditions climatiques.

La diversité des régions cynégétiques françaises, allant des plaines agricoles aux massifs montagneux, en passant par les zones humides littorales, nécessite une approche différenciée des périodes de chasse pour assurer une gestion durable des populations animales.

Impact écologique et conservation des espèces chassables

La pratique de la chasse en France s’inscrit dans un contexte de préservation de la biodiversité et de gestion durable des écosystèmes. L’impact écologique de cette activité fait l’objet d’un suivi attentif et de nombreuses mesures de conservation sont mises en place pour assurer la pérennité des espèces chassables et de leurs habitats.

Suivi des populations par l’office français de la biodiversité (OFB)

L’Office français de la biodiversité (OFB) joue un rôle central dans le suivi scientifique des populations d’espèces chassables. Cet établissement public mène des études approfondies sur la dynamique des populations, leur état de santé et leur répartition géographique. Les données collectées par l’OFB sont essentielles pour établir des quotas de chasse cohérents et adapter les périodes de chasse aux réalités biologiques des espèces.

Les méthodes de suivi incluent des comptages aériens, des captures-marquages-recaptures, et l’analyse des tableaux de ch

asse. Les données récoltées permettent d’établir des tendances démographiques sur le long terme, essentielles pour une gestion adaptative des espèces.

L’OFB collabore étroitement avec les fédérations de chasse et les associations naturalistes pour garantir une approche scientifique et objective de la gestion cynégétique. Cette collaboration permet d’ajuster les quotas et les périodes de chasse en fonction de l’état réel des populations, assurant ainsi un équilibre entre pratique cynégétique et préservation de la biodiversité.

Programmes de réintroduction et de renforcement

Face au déclin de certaines espèces chassables, des programmes de réintroduction et de renforcement des populations ont été mis en place. Ces initiatives visent à restaurer des populations viables dans des zones où elles avaient disparu ou étaient fortement réduites. Par exemple, la réintroduction du bouquetin des Alpes dans plusieurs massifs français a permis de reconstituer des populations aujourd’hui chassables de manière durable.

Ces programmes nécessitent une collaboration étroite entre chasseurs, scientifiques et gestionnaires d’espaces naturels. Ils s’accompagnent souvent de mesures de gestion des habitats et de suivi scientifique rigoureux pour évaluer leur succès à long terme. La réussite de ces initiatives démontre le rôle positif que peut jouer la communauté cynégétique dans la conservation de la biodiversité.

Gestion des habitats et corridors écologiques

La préservation des espèces chassables passe nécessairement par la protection et la restauration de leurs habitats. Les chasseurs, à travers leurs associations et fédérations, participent activement à la gestion des milieux naturels. Ils contribuent notamment à l’entretien des zones humides, essentielles pour de nombreuses espèces de gibier d’eau, et à la création de haies et de bosquets favorables au petit gibier de plaine.

La notion de corridors écologiques, permettant aux animaux de se déplacer entre différentes zones d’habitat, est également prise en compte dans la gestion cynégétique moderne. Les fédérations de chasse participent à l’élaboration et à la mise en œuvre des Trames Vertes et Bleues, visant à préserver la connectivité écologique à l’échelle du territoire.

La gestion des habitats par les chasseurs va au-delà du simple intérêt cynégétique ; elle contribue à la préservation de l’ensemble de la biodiversité, y compris des espèces non chassables.

Controverses et débats autour de la chasse en france

Malgré son encadrement réglementaire et les efforts de gestion durable, la chasse reste un sujet de débat et de controverse dans la société française. Les discussions portent sur divers aspects, allant de la conservation des espèces à la sécurité des pratiques cynégétiques.

Moratoire sur certaines espèces menacées

La chasse de certaines espèces dont les populations sont en déclin fait l’objet de vifs débats. Des associations de protection de la nature réclament régulièrement des moratoires sur la chasse d’espèces comme la tourterelle des bois ou le courlis cendré, dont les effectifs ont fortement diminué ces dernières décennies. Ces demandes s’appuient sur le principe de précaution et visent à permettre un rétablissement des populations.

Les chasseurs, de leur côté, argumentent que la chasse n’est pas la cause principale du déclin de ces espèces et que leur pratique contribue à la préservation des habitats. La mise en place de quotas stricts et de périodes de chasse réduites est souvent proposée comme alternative au moratoire total. Cette question illustre la complexité de concilier pratique cynégétique et conservation de la biodiversité.

Sécurité et accidents de chasse

La sécurité lors des activités de chasse est un sujet de préoccupation majeure, tant pour les chasseurs que pour le grand public. Malgré une tendance à la baisse des accidents ces dernières années, grâce notamment à un renforcement des formations et des règles de sécurité, chaque incident relance le débat sur les risques liés à la pratique de la chasse.

Les fédérations de chasse ont mis en place des mesures visant à améliorer la sécurité, telles que le port obligatoire de vêtements fluorescents, la signalisation des zones de chasse, et l’organisation de formations spécifiques sur la sécurité. La question de la cohabitation entre chasseurs et autres usagers de la nature reste cependant un point de tension, notamment pendant les périodes de forte affluence dans les espaces naturels.

Cohabitation entre chasseurs et autres usagers de la nature

L’augmentation de la fréquentation des espaces naturels pour des activités de loisir (randonnée, VTT, cueillette…) pose la question de la cohabitation entre chasseurs et autres usagers. Des conflits d’usage peuvent survenir, notamment le week-end, lorsque la pratique de la chasse coïncide avec une forte présence d’autres activités de plein air.

Pour améliorer cette cohabitation, diverses initiatives ont été mises en place, telles que la création d’applications mobiles informant en temps réel des zones de chasse actives, ou l’instauration de jours sans chasse dans certains départements. Le dialogue entre les différents acteurs et la sensibilisation mutuelle aux enjeux de chacun sont essentiels pour trouver un équilibre satisfaisant pour tous.

La recherche d’un équilibre entre pratique de la chasse et autres usages de la nature nécessite un dialogue constant et une compréhension mutuelle des besoins et contraintes de chaque partie prenante.

En conclusion, la gestion des espèces chassables en France s’inscrit dans un cadre réglementaire complexe, visant à concilier tradition cynégétique, conservation de la biodiversité et attentes sociétales. L’évolution des pratiques vers une chasse plus durable et mieux intégrée dans son environnement naturel et social est un processus continu, nécessitant l’implication de tous les acteurs concernés. La pérennité de cette activité dépendra de sa capacité à s’adapter aux enjeux écologiques et sociétaux du 21ème siècle.