
La chasse aux oiseaux est une pratique ancestrale solidement ancrée dans les traditions françaises. Cependant, elle fait l’objet d’une réglementation stricte visant à préserver la biodiversité et les équilibres écologiques. Quelles sont donc les espèces d’oiseaux chassables en France ? Entre législation complexe, quotas de prélèvement et périodes d’ouverture spécifiques, le chasseur doit naviguer dans un cadre réglementaire précis. Comprendre ces règles est essentiel pour pratiquer une chasse responsable et durable, respectueuse des populations aviaires.
Législation française sur la chasse aux oiseaux
La chasse aux oiseaux en France est encadrée par le Code de l’environnement, qui définit les espèces chassables et les modalités de leur chasse. Seules les espèces listées dans l’arrêté ministériel du 26 juin 1987, régulièrement mis à jour, peuvent faire l’objet d’un acte de chasse. Cette liste comprend environ 60 espèces d’oiseaux, principalement des anatidés, gallinacés, limicoles et colombidés.
La législation française s’inscrit également dans le cadre européen, notamment la directive « Oiseaux » de 2009, qui vise à protéger toutes les espèces d’oiseaux vivant à l’état sauvage sur le territoire de l’Union européenne. Cette directive encadre strictement la chasse, n’autorisant le prélèvement que pour certaines espèces, sous réserve que cela ne compromette pas les efforts de conservation.
Le chasseur doit être particulièrement vigilant car la réglementation évolue régulièrement, en fonction des données scientifiques sur l’état de conservation des espèces. Certains oiseaux autrefois chassables peuvent être retirés de la liste, tandis que des quotas ou des moratoires peuvent être instaurés pour d’autres espèces.
Classification des espèces d’oiseaux chassables
Les oiseaux chassables en France peuvent être regroupés en plusieurs grandes catégories, chacune ayant ses spécificités en termes d’habitat, de comportement et de réglementation de chasse.
Anatidés : canards, oies et cygnes autorisés
Les anatidés constituent une part importante du gibier d’eau chassable. Parmi les espèces les plus couramment chassées, on trouve :
- Le canard colvert ( Anas platyrhynchos )
- Le canard siffleur ( Mareca penelope )
- La sarcelle d’hiver ( Anas crecca )
- L’oie cendrée ( Anser anser )
La chasse aux anatidés se pratique souvent à l’affût ou à la hutte, près des plans d’eau ou dans les zones humides. Il est important de noter que certaines espèces, comme le canard colvert, peuvent faire l’objet de périodes de chasse plus étendues que d’autres anatidés plus sensibles.
Gallinacés : faisans, perdrix et cailles chassables
Les gallinacés sont des oiseaux terrestres très prisés des chasseurs. Les principales espèces chassables sont :
- Le faisan de Colchide ( Phasianus colchicus )
- La perdrix rouge ( Alectoris rufa )
- La perdrix grise ( Perdix perdix )
- La caille des blés ( Coturnix coturnix )
La chasse aux gallinacés se pratique généralement en battue ou au chien d’arrêt. Ces espèces font souvent l’objet de plans de gestion cynégétique spécifiques pour assurer le maintien de populations viables.
Limicoles : bécasses, bécassines et vanneaux permis
Les limicoles sont des oiseaux des zones humides, très appréciés pour leur chasse sportive. Parmi les espèces chassables, on trouve :
- La bécasse des bois ( Scolopax rusticola )
- La bécassine des marais ( Gallinago gallinago )
- Le vanneau huppé ( Vanellus vanellus )
La chasse aux limicoles requiert souvent une bonne connaissance du terrain et des habitudes de ces oiseaux. La bécasse des bois, en particulier, fait l’objet d’une gestion attentive avec des prélèvements maximaux autorisés (PMA) stricts dans de nombreux départements.
Colombidés : pigeons et tourterelles en période de chasse
Les colombidés constituent un groupe d’oiseaux chassables comprenant principalement :
- Le pigeon ramier ( Columba palumbus )
- Le pigeon colombin ( Columba oenas )
- La tourterelle des bois ( Streptopelia turtur )
La chasse aux colombidés se pratique souvent à l’affût ou au poste fixe, notamment lors des migrations. Il est crucial de respecter les périodes de chasse, car certaines espèces comme la tourterelle des bois font l’objet de mesures de protection renforcées en raison du déclin de leurs populations.
Alaudidés et turdidés : alouettes et grives réglementées
Parmi les passereaux chassables, on trouve principalement :
- L’alouette des champs ( Alauda arvensis )
- La grive musicienne ( Turdus philomelos )
- La grive mauvis ( Turdus iliacus )
- Le merle noir ( Turdus merula )
La chasse de ces espèces est soumise à des réglementations spécifiques, avec des périodes de chasse généralement plus courtes que pour d’autres gibiers. L’utilisation de certaines techniques de chasse, comme les pantes pour l’alouette des champs, est strictement encadrée.
Périodes et modalités de chasse par espèce
Les périodes de chasse et les modalités de prélèvement varient considérablement selon les espèces, reflétant leur biologie, leur statut de conservation et les traditions cynégétiques locales.
Dates d’ouverture et fermeture spécifiques
Les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse sont fixées par arrêté préfectoral dans chaque département, dans le cadre défini par le Code de l’environnement. Pour le gibier d’eau, l’ouverture peut avoir lieu dès le premier samedi d’août sur le domaine public maritime, tandis que pour la plupart des autres espèces, elle débute généralement en septembre.
La fermeture intervient le plus souvent fin janvier ou début février, mais peut être prolongée pour certaines espèces comme le pigeon ramier dans certains départements. Il est crucial pour le chasseur de se tenir informé des dates spécifiques à son département et aux espèces qu’il souhaite chasser.
Quotas et prélèvements maximaux autorisés (PMA)
De nombreuses espèces font l’objet de quotas de prélèvement, appelés Prélèvements Maximaux Autorisés (PMA). Ces quotas peuvent être journaliers, hebdomadaires ou saisonniers. Par exemple :
La bécasse des bois est soumise dans la plupart des départements à un PMA de 30 oiseaux par saison, avec des limitations journalières et hebdomadaires.
Les PMA sont un outil essentiel de gestion cynégétique, permettant d’ajuster les prélèvements à l’état des populations. Ils peuvent varier d’un département à l’autre et sont susceptibles d’être modifiés en cours de saison si la situation l’exige.
Méthodes de chasse permises selon l’espèce
Les méthodes de chasse autorisées dépendent de l’espèce ciblée et des traditions locales. Elles peuvent inclure :
- La chasse à tir (fusil)
- La chasse au chien d’arrêt
- La chasse à l’affût ou à la passée
- La chasse à la hutte pour le gibier d’eau
Certaines méthodes traditionnelles, comme la chasse à la glu pour les grives, ont été interdites récemment pour des raisons de conservation. Le chasseur doit s’assurer que la méthode qu’il emploie est bien autorisée pour l’espèce visée et dans son département.
Espèces protégées et interdictions de chasse
La majorité des espèces d’oiseaux présentes en France sont protégées et ne peuvent en aucun cas être chassées. Cela inclut tous les rapaces, la plupart des passereaux, et de nombreux oiseaux marins. La chasse d’une espèce protégée est un délit passible de sanctions pénales sévères.
Certaines espèces autrefois chassables ont été retirées de la liste des espèces chassables en raison du déclin de leurs populations. C’est le cas par exemple de la tourterelle des bois, qui fait l’objet d’un moratoire sur sa chasse depuis 2020.
Il est crucial pour le chasseur de savoir identifier avec certitude les espèces qu’il est autorisé à chasser. En cas de doute, l’abstention est de mise pour éviter tout risque de prélèvement illégal.
Gestion durable des populations d’oiseaux gibier
La gestion durable des populations d’oiseaux gibier est un enjeu majeur pour assurer la pérennité de la chasse tout en préservant la biodiversité. Cette gestion repose sur plusieurs piliers :
Suivis scientifiques des effectifs par l’ONCFS
L’Office Français de la Biodiversité (OFB), anciennement ONCFS, réalise des suivis réguliers des populations d’oiseaux gibier. Ces suivis comprennent :
- Des comptages sur les sites de reproduction et d’hivernage
- Des analyses des tableaux de chasse
- Des programmes de baguage pour étudier les migrations
Ces données scientifiques sont essentielles pour ajuster les périodes de chasse et les quotas de prélèvement en fonction de l’état réel des populations.
Plans de gestion cynégétique par espèce
De nombreuses espèces font l’objet de plans de gestion cynégétique spécifiques, élaborés par les fédérations de chasseurs en collaboration avec les autorités et les scientifiques. Ces plans visent à :
- Définir des objectifs de population
- Ajuster les prélèvements en fonction de l’état des populations
- Mettre en place des mesures de conservation des habitats
Par exemple, le plan de gestion national pour la bécasse des bois inclut la mise en place de PMA, des suivis de populations et des recommandations pour la préservation des zones d’hivernage.
Aménagements des habitats pour la nidification
La préservation et l’amélioration des habitats sont cruciales pour maintenir des populations d’oiseaux gibier en bonne santé. Les chasseurs participent activement à ces efforts à travers :
- La création et l’entretien de zones humides pour les anatidés
- La plantation de haies et la mise en place de cultures faunistiques pour les gallinacés
- La préservation des prairies et des zones bocagères pour les limicoles
Ces aménagements bénéficient non seulement aux espèces chassables, mais aussi à l’ensemble de la biodiversité.
Sanctions et contrôles liés au braconnage aviaire
Le braconnage aviaire, qui inclut la chasse d’espèces protégées ou le non-respect des quotas et périodes de chasse, est sévèrement réprimé en France. Les sanctions peuvent inclure :
- Des amendes pouvant aller jusqu’à 15 000 euros
- Des peines d’emprisonnement dans les cas les plus graves
- Le retrait du permis de chasser
- La confiscation du matériel de chasse
Les contrôles sont effectués par les agents de l’OFB, les gardes-chasse particuliers et la gendarmerie. Ils peuvent avoir lieu pendant l’action de chasse, mais aussi lors de contrôles routiers ou de visites à domicile sur autorisation judiciaire.
La lutte contre le braconnage est essentielle pour préserver les populations d’oiseaux et maintenir l’acceptabilité sociale de la chasse.
Les fédérations de chasseurs jouent un rôle important dans la sensibilisation de leurs membres au respect de la réglementation et à l’éthique de la chasse. Des formations continues sont souvent proposées pour tenir les chasseurs informés des évolutions réglementaires et des bonnes pratiques.
En conclusion, la chasse aux oiseaux en France s’inscrit dans un cadre réglementaire complexe et évolutif, visant à concilier tradition cynégétique et préservation de la biodiversité. Le chasseur responsable se doit d’être parfaitement informé des espèces chassables, des périodes de chasse et des quotas en vigueur. Au-delà du simple respect de la loi, c’est une approche éthique et durable de la chasse qui est encouragée, où le chasseur devient un acteur de la conservation de la nature.